La loi ESS, enjeux et opportunités pour les associations, fondations, fonds de dotation

La loi ESS, enjeux et opportunités pour les associations, fondations, fonds de dotation

La loi relative à l’Economie Sociale et Solidaire (ESS), tant attendue par les acteurs de ce secteur, a été publiée au Journal Officiel le 1er aout dernier.

Sans qu’elle constitue une révolution pour le secteur associatif, son élaboration permet néanmoins de mettre en avant l’ESS comme un véritable secteur créateur de richesses et d’emplois, dont les associations sont un des principaux acteurs.

Aujourd’hui, la loi définit ce que représente l’économie sociale et solidaire, créée le statut « d’entreprise solidaire d’utilité sociale », basée sur une autre façon de penser l’entreprise dans ses relations avec ses salariés, ses clients, ses partenaires, ses dirigeants,…

Elle met en place des mesures destinées à aider les associations dans leurs fonctionnements et leurs financements.

Le dossier de ce numéro présente l’ESS dans ses principes et acteurs ainsi que les mesures directement destinées aux associations, fondations et fonds de dotation. Nous avons fait le choix de ne pas traiter ici les mesures liées aux coopératives et à la transmission d’entreprise, qui feront l’objet de publications ultérieures.

Vous avez dit Economie Sociale et Solidaire

La loi définit l’économie sociale et solidaire comme un mode d’entreprendre et de développement économique adapté à tous les domaines de l’activité humaine auxquels adhèrent des personnes morales de droit privé qui remplissent certaines conditions cumulatives :

  • un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices ;
  • une gouvernance démocratique, définie et organisée par les statuts, prévoyant l’information et la participation des associés, des salariés et des parties prenantes aux réalisations de l’entreprise ;
  • une gestion conforme aux principes de maintien des bénéfices au sein de l’entité pour le développement de son activité et de constitution de réserves obligatoires dans le but de pérenniser l’entité.

L’Économie Sociale et Solidaire est constituée des activités de production, de transformation, de distribution, d’échanges et de consommation de biens et services par les acteurs de l’ESS.

Aux acteurs traditionnels que sont les sociétés coopératives, les mutuelles et unions relevant du code de la mutualité, les sociétés d’assurance mutuelle relevant du code des assurances, les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 ou par le code civil applicable en Alsace-Moselle, les fondations, la loi ouvre l’économie sociale et solidaire aux sociétés commerciales qui :

  • recherchent une utilité sociale c’est-à-dire dont l’objet social peut être :
  1. soit d’apporter un soutien aux personnes en situation de fragilité quelle que soit son origine (situation économique ou sociale ou situation personnelle) et quel que soit le lien entre l’entreprise et la personne concernée (usager, client, membre, salarié, bénéficiaire, ..) ;
  2. soit de contribuer à la préservation et au développement du lien social, à la lutte contre les exclusions et inégalités ;
  3. soit, enfin, de concourir au développement durable, sous réserve que l’activité soit liée à l’un des deux objectifs mentionnés ci-dessus.
  • ne procèdent pas à l’amortissement de leur capital ou à la réduction de leur capital non motivée par des pertes ;
  • prélèvent sur les bénéfices des fractions (définies par voie d’arrêté du ministre chargé de l’ESS), affectées à la constitution d’une réserve statutaire obligatoire dite « fonds de développement » pour au moins 20% des bénéfices de l’exercice, ou en report bénéficiaire ou en réserves obligatoires, pour au moins 50 %.

Il est à noter que les fonds de dotation ne font pas partie de cette liste. Cette exclusion se comprend dans la mesure où, bien qu’à forme non lucrative et poursuivant un but d’intérêt général, le fonds de dotation n’a pas essentiellement vocation à s’inscrire dans l’économie sociale et solidaire

Les acteurs de l’économie sociale et solidaire devront mettre en œuvre de bonnes pratiques élaborées par le Conseil supérieur de l’ESS et en rendre compte à chaque assemblée générale annuelle. Ces bonnes pratiques concernent les modalités effectives de gouvernance démocratique, la concertation dans l’élaboration de la stratégie de l’entreprise, la territorialisation de l’activité économique et des emplois, la politique salariale et l’exemplarité sociale, la formation professionnelle, les négociations annuelles obligatoires, la santé et la sécurité au travail et la qualité des emplois, le lien avec les usagers et la réponse aux besoins non couverts des populations, la situation de l’entreprise en matière de diversité, de lutte contre les discriminations et d’égalité réelle entre les femmes et les hommes en matière d’égalité professionnelle et de présence dans les instances dirigeantes élues.

Organisation et promotion de l’ESS

La loi prévoit une organisation à trois niveaux :

1 – Un Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire qui sera chargé d’assurer le dialogue entre les acteurs de l’économie sociale et solidaire et les pouvoirs publics nationaux et européens ;

2 – Une Chambre française de l’économie sociale et solidaire chargée d’assurer au plan national, la représentation et la promotion de l’ESS ;

3 – Des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, regroupées au sein d’un Conseil national, qui assureront au plan local la promotion et le développement de l’économie sociale et solidaire, le soutien aux entreprises et organismes de l’ESS dans leur développement et le maintien de l’emploi, l’appui à la formation des dirigeants, …

La loi met l’accent sur l’organisation des politiques régionales de l’ESS, dans laquelle les régions devront élaborer des stratégies régionales de développement de l’ESS et organiser tous les deux ans, une conférence régionale de l’économie sociale et solidaire.

Au niveau régional est également créé le pôle territorial de coopération économique correspondant à un regroupement sur le même territoire d’entreprises de l’ESS, de collectivités, de sociétés commerciales classiques et de centre de recherche, d’ établissements d’enseignement supérieur, ou d’organismes de formation, pour mutualiser, coopérer ou constituer des partenariats « au service de projets économiques et sociaux innovants, socialement ou technologiquement, porteurs d’un développement local durable ».

Agrément en qualité « d’entreprise solidaire d’utilité sociale »

Une entreprise pourra être agréée « entreprise solidaire d’utilité sociale » si elle remplit les conditions cumulatives suivantes :

  • elle poursuit comme objectif la recherche d’une utilité sociale ;
  • la charge induite par cet objectif à un impact significatif sur le compte de résultat ou la rentabilité financière de l’entreprise ;
  • la politique de rémunération des dirigeants ne doit pas excéder certains seuils fixés par la loi (article 11) ;
  • les titres du capital de l’entreprise ne doivent pas être admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers.

Les modalités de délivrance de cet agrément seront précisées par un décret dont la publication est à venir.

Bénéficient également de plein droit de cet agrément les entreprises d’insertion, les entreprises de travail temporaire d’insertion, les associations intermédiaires, les ateliers et chantiers d’insertion, les organismes d’insertion sociale relevant de l’article L. 121-2 du code de l’action sociale et des familles, les services de l’aide sociale à l’enfance, les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, les régies de quartier, les entreprises adaptées, les centres de distribution de travail à domicile; les établissements et services d’aide par le travail,les associations et fondations reconnues d’utilité publique et considérées comme recherchant une utilité sociale, les organismes assurant l’accueil et l’hébergement de personnes en difficultés (Art. L.265-1 du code de l’action sociale et des familles), les établissements et services accompagnant et accueillant des enfants et des adultes handicapés.

Définition de l’innovation sociale

La notion « d’Innovation sociale » est déjà utilisée par les acteurs de l’ESS. La loi en donne une définition et prévoit les conditions d’accès à des financements particuliers.

Les entreprises de l’ESS dont le projet consiste à offrir des produits ou des services et répondant soit à des besoins sociaux non ou mal satisfaits, que ce soit dans les conditions actuelles du marché ou dans le cadre des politiques publiques, soit à des besoins sociaux pour une forme innovante d’entreprise, pour un processus innovant d’organisation du travail, sont considérés comme réalisant de l’innovation sociale.

Le gouvernement prévoit des financements publics pour accompagner l’innovation sociale. A ce jour, pour bénéficier des financements publics au titre de l’innovation sociale, le caractère innovant de l’activité doit engendrer pour l’entreprise des difficultés à en assurer le financement intégral aux conditions normales de marché.

Les mesures au profit des associations, fondations, fonds de dotation

Les dispositions les plus significatives de la loi portent sur des modalités de fonctionnement quotidiennes des associations ou encore sur leur évolution stratégique dans un contexte économique entrainant leurs restructurations .

Une définition de la subvention publique (art. 59)

Cette définition était largement sollicitée par le secteur associatif. Elle va permettre aux collectivités de bien différencier la notion de subvention de la notion de commande publique.

La subvention publique est donc une aide de toute nature, c’est-à-dire en numéraire ou en nature, dont le montant est inscrit dans une convention écrite, décidée par les autorités administratives définies dans la loi du 12 avril 2000, justifiée par un intérêt général pour la collectivité qui l’octroie.

Cette aide peut répondre à la réalisation d’une action ou d’un projet d’investissement, à la contribution au développement d’activités ou au financement global de l’activité de l’organisme de droit privé bénéficiaire. Ces actions, projets ou activités sont initiés, définis et mis en œuvre par les organismes de droit privé bénéficiaires

Une précision importante est apportée : ces contributions ne peuvent constituer la rémunération de prestations individualisées répondant aux besoins des autorités ou organismes qui les accordent

Extension de la capacité juridique de certaines associations (art.74)

Afin de faciliter le financement des associations, la loi permet à certaines associations de recevoir et d’administrer des immeubles acquis à titre gratuit, de recevoir des libéralités entre vifs et testamentaires dans les conditions de l’article 910 du code civil.

Ces nouvelles dispositions s’adressent aux associations d’intérêt général déclarées depuis plus de 3 ans, et répondant aux critères énoncés au b)du 1 de l’article 200 du code général des impôts, à savoir avoir un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises.

Soulignons, ici, que les associations cultuelles sont exclues de ces dispositions.

Un statut juridique pour les opérations de fusions, scissions et apports partiel d’actifs (art.71 et 72)

La loi donne enfin un statut juridique aux opérations de fusion, scissions et apport partiel d’actif entre associations, entre fondations ou entre associations et fondations.

Ces deux articles modifient la loi du 1er juillet 1901 sur le contrat d’association, et le code civil local applicable aux départements du Bas-Rhin, Haut-Rhin et de la Moselle.

Les modalités principales à connaitre sont les suivantes

  • La fusion ou la scission de plusieurs associations est décidée par des délibérations concordantes adoptées dans les conditions requises par leurs statuts pour leur dissolution. Lorsque la fusion ou scission est réalisée par voie de création d’une nouvelle association ou apport à une nouvelle association, le projet de statuts de la nouvelle association est approuvé par délibérations concordantes de chacune des associations qui disparaissent et il n’y a pas lieu à approbation de l’opération par la nouvelle association. L’apport partiel d’actif entre associations est décidé par des délibérations concordantes adoptées dans les conditions requises par leurs statuts ;
  • La fusion ou scission entraine la dissolution sans liquidation des associations qui disparaissent ;
  • Les associations doivent établir un projet de fusion, ou scission ou d’apport partiel d’actif, qui doit faire l’objet d’une publication dans un journal d’annonces légales ;
  • Les membres des associations qui disparaissent deviennent membres de l’association résultant de l’opération. Cette disposition n’est pas sans poser des questionsau regard d’une part de la liberté associative, et d’autre part, dans le cas d’une fusion entre association et fondation dans laquelle le notion de membre n’existe pas.
  • Lorsque la valeur totale de l’ensemble des apports dépasse un montant fixé par décret, un commissaire à la fusion, à la scission ou aux apports devra être désigné d’un commun accord par les associations qui procèdent à l’apport.
  • L’opération prend effet à la date prévue dans le contrat ou à défaut à la date de la création de la nouvelle association, ou de l’éventuelle modification des statuts de l’association bénéficiaire existante, si besoin.

Enfin, la loi instaure une procédure légale lorsque l’association bénéficie d’une autorisation administrative, d’un agrément, d’un conventionnement ou d’une habilitation et qu’elle souhaite le transférer dans le cadre de la réalisation de cette opération ; elle peut désormais interroger l’autorité administrative selon des règles qui seront précisées dans un décret à paraitre.

L’administration fiscale n’a pas attendu le vote de la loi pour modifier sa doctrine relative au régime spécial des fusions qui est, depuis le 13 juin 2014, applicable aux fusions, scissions, apport partiel d’actifs entre associations lorsqu’elles sont soumises à l’impôt sur les sociétés.

Émission de titres associatifs et fondatifs (art.70)

Cette possibilité pour les associations d’émettre des titres associatifs existait déjà depuis une loi datant de juillet 1985. Ce régime a été très peu mis en œuvre.

La loi ESS le réactualise et l’étend aux fondations, dans le but de favoriser la constitution de capitaux propres pour renforcer la structure financière de ces organismes.

La principale nouveauté touche le délai minimum de remboursement porté à 7 ans et la loi apporte des précisions sur le taux d’intérêt applicable.

Rappelons que pour émettre des valeurs mobilières, sous forme d’obligations, les associations doivent avoir une activité économique depuis au moins deux ans, se faire immatriculer au registre du commerce et des sociétés et aménager leur statuts.

Les investisseurs potentiels peuvent être des établissements financiers, des structures membres d’un groupe associatif, des « mécènes ».

Fonds de garantie pour les apports en fonds associatifs (art.77)

La loi prévoit la mise en place de fonds de garantie destinés à financer les remboursements des apports dont certaines associations bénéficient. Ainsi, certaines opérations pourront disposer de cet encadrement pour sécuriser les situations de droits de reprise dans lesquelles elles sont engagées.

Placements financiers des associations reconnues d’utilité publique (art.76)

Les Associations Reconnues d’Utilité Publique (ARUP) ne pouvaient pas, à quelques exceptions près, posséder ou acquérir d’autres immeubles que ceux nécessaires au but qu’elles poursuivent, tout en ayant la faculté de recevoir ce même type d’immeuble à titre de dons et legs. En recevant ces dons, les associations se voyaient dans l’obligation de les vendre alors que leur gestion pouvait constituer une source de revenus. La loi met donc en cohérence ces deux règles en autorisant les ARUP à acquérir et administrer des immeubles et plus largement tous les actes de la vie civile que leurs statuts ne leur interdisent pas.

La loi met à jour l’obligation de placement des ARUP en précisant que ces dernières doivent placer leurs fonds dans des actifs autorisés par les produits visés par le code de la sécurité sociale. Elle actualise ainsi un dispositif qui était devenu obsolète

Reconduction des missions des Dispositifs Locaux d’Accompagnement (DLA) (art.61)

Les dispositifs locaux d’accompagnement sont reconduits et leurs actions sont précisées. Elles sont mises en œuvre par des organismes à but non lucratif faisant l’objet d’un conventionnement avec l’Etat ou avec tout autre organisme public ou collectivité territoriale intéressé. Les modalités d’application de cet article seront précisées par décret.

Des aménagements pour les fondations d’entreprise (art.81 et 82)

Les fondations d’entreprises pourront dorénavant recevoir des dons des salariés, des mandataires sociaux, adhérents, sociétaires ou actionnaires de l’entreprise fondatrice et des entités du groupe auquel appartient l’entreprise fondatrice.

Dispositions relatives aux fonds de dotation (art.85)

La loi instaure un montant minimal pour la dotation des fonds de dotation créés à partir de la publication d’un décret pris en Conseil d’Etat. La loi précise que ce montant minimal n’excédera pas 30 000 euros. Les fonds de dotation déjà créés n’ont pas à se mettre en conformité avec cette nouvelle règle. Nous reviendrons sur cette disposition pour la commenter car elle n’est pas sans conséquences pour certains projets portés par des établissements ou des collectivités publiques.

De nouvelles sanctions par défaut de non établissement et non publication des comptes annuels (art.78)

Dorénavant, les dirigeants qui n’établissent pas de comptes annuels alors qu’ils sont soumis à cette obligation, sont passibles d’une sanction pénale prévue à l’article L.242-8 du code de commerce, comme pour les dirigeants de sociétés commerciales. La sanction est une amende de 9.000 euros pour le Président.

Par ailleurs, les parlementaires, constatant un faible taux de respect dans l’obligation de publicité des comptes annuels des associations concernées par cette obligation, ont souhaité accentuer les contraintes. Dorénavant, à la demande de tout intéressé, le président du tribunal, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte aux dirigeants de toute association qui doit publier ses comptes annuels, d’assurer la publicité de ces comptes annuels et du rapport du commissaire aux comptes.

Loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire
BOFiP-IS-FUS-10-20-20

Logo-InExtenso-partenaire2 Cet article est tiré de la Revue Associations du mois d’Octobre 2014, réalisé et  mis à disposition par notre partenaire In Extenso, acteur majeur de l’expertise comptable en France, qui accompagne près de 4 000 associations, dans les domaines de la comptabilité, la gestion sociale, l’audit, le juridique et le conseil. Pour en savoir plus, cliquez ici