La transition numérique des fédérations sportives
En France, une association sur quatre est à caractère sportif.
Ces 360 000 clubs représentent 13,1 milliards d’euros de budgets cumulés.
Pourquoi le numérique y est utile et comment leurs fédérations se l’approprie ?
Pour le savoir, nous avons interrogé Arnaud Saurois, l’un des spécialistes du sujet.
Parcourez notre entretien avec Arnaud Saurois puis découvrez le Collectif « Sport Asso ».
Entretien avec Arnaud Saurois, un expert des fédérations sportives et du numérique
Nous avons voulu interroger Arnaud Saurois, l’un des spécialistes français du sujet, à la fois rompu aux affaires des fédérations sportives et en même temps fin connaisseur des dernières avancées technologiques en capacité d’apporter une plus-value aux clubs.
L’objectif de cet échange : prendre le pouls des acteurs du sport, comprendre pourquoi et comment ils s’emparent des pratiques digitales en observant quelques exemples, avant de se projeter sur de futures perspectives.
Actuellement Maître de conférences associé à l’Université de Poitiers sur le Master Management du Sport, Arnaud Saurois est également entrepreneur, expert des sujets numériques dans la sphère sportive.
Il a travaillé pendant 10 ans au sein de structures du Comité Olympique, au niveau départemental (Vienne et Charente-Maritime), puis à la direction du CROS Poitou-Charentes.
Il a ensuite travaillé sur des missions en lien avec les JO de Londres 2012 à la Direction Générale du CNOSF, rattaché auprès du président.
Enfin, il a fondé l’Observatoire du Sport Français.
Dans un contexte de crise sanitaire toujours d’actualité mais avec la perspective « Paris 2024 » qui approche, quel état des lieux peut-on faire à propos des fédérations sportives ?
Malgré la crise, le monde sportif fédéral arrive à s’adapter.
Concernant Paris 2024, ça crée évidemment une « dynamique sport » donc pour les fédérations compétitives, les fédérations olympiques en priorité, il y a un attrait et c’est plutôt intéressant.
Après, il y a quand même des changements profonds qui se sont enclenchés.
Je pense notamment à la relation entre clubs et fédérations qui est questionnée encore plus qu’avant. Mais aussi à la relation aux pratiquants, aux licenciés. C’est à mon avis une des évolutions dans les prochaines années, peut-être qu’on va changer un peu cette relation centrée sur le licencié, la licence puisque les pratiquants questionnent un peu le modèle associatif classique au travers de nouvelles formes de pratiques sportives.
« A la carte, en toute liberté, sans engagement », c’est comme ça qu’elles sont mises en avant par les structures commerciales qui viennent un peu disrupter la pratique sportive amateur.
Alors ça questionne le monde sportif qui se dit « Est-ce que nous aussi il faut qu’on fasse un système différent de ce que nous avons connu ? », à savoir l’engagement annuel dans la cotisation, l’adhésion annuelle dans une association, « Est-ce qu’il faut qu’on fasse du semestriel, du trimestriel, du mensuel ou à la séance ? ».
Et puis il y a un sujet que j’aimerais mettre en avant, c’est celui de l’usage du numérique pour les associations sportives, avec deux entrées :
La première, c’est celle des pratiquants qui, eux, demandent et ont l’habitude d’avoir un usage du numérique dans leur quotidien donc finalement ils le demandent aussi pour payer leurs adhésions mais aussi pour réserver leurs créneaux par exemple. On pourrait en rajouter avec les objets connectés et les applications smartphone qui peuvent apporter des contenus sur la pratique sportive.
La deuxième entrée, où je me spécialise un peu, c’est l’accompagnement du numérique pour les dirigeants bénévoles, afin de trouver des réponses à leurs problématiques d’engagement, de gestion administrative, financière, comptable, fiscale.
En bref : qu’est-ce qu’on peut faire avec ces solutions numériques qui existent aujourd’hui sur le marché pour venir simplifier le fait d’être dirigeant sportif bénévole dans une association ?
Je crois que maintenant, on est vraiment sur des solutions qui sont suffisamment ergonomiques et faciles à prendre en main. Et il y a un enjeu majeur pour moi parce que si certaines fédérations ont déjà retrouvé leurs données de licences de 2019, ce qu’on a pour l’instant perdu c’est le bénévolat.
C’est une des plus grandes richesses, humaine, évidemment mais aussi économique, pour le mouvement sportif.
Certaines fédérations parlent de 30% de bénévoles en moins. Donc là, il y a un vrai sujet. Et si on a des solutions pour venir les accompagner avec des solutions numériques, il faut foncer.
Comment le mouvement sportif met-il l’accent sur le numérique ? Est-ce incitatif, plutôt basé sur de la recommandation, ou bien les fédérations sont-elles en totale autonomie ?
Elles sont autonomes et finalement elles rattrapent un peu le retard parce que les plus agiles, les plus prompts à l’innovation, ce sont les clubs, puisqu’au niveau local, ils sont déjà en train de s’approprier des solutions numériques. Donc les fédérations essaient de regarder comment elles peuvent maintenant accompagner ce changement qui a déjà commencé, en repérant des solutions, en les labellisant, en les intégrant à leur système d’information. Il y a différentes stratégies en fonction des fédérations.
En ce qui concerne le ministère, cela commence à être abordé avec par exemple un label sous le haut patronage du ministère des Sports lié à ces sujets-là. Il y a aussi des échanges, souvent à travers l’incubateur parisien Le Tremplin.
Le ministère et l’Agence nationale du sport sont très liés, avec une volonté de travailler sur la digitalisation. Ils ont fait un appel à projets sur le « Sport pour tous » et le « Sport performance » où ils ont convié les fédérations, qui peuvent obtenir des financements pour travailler sur ces questions-là.
Quant au CNOSF, il a créé un réseau de « référents innovation » dans chacune des fédérations, il y a également un vice-président en charge de ces sujets.
Enfin on peut observer des initiatives plus locales dans les CROS, dans les ligues, dans les comités régionaux, qui commencent à faire des partenariats avec différentes startups et entreprises dans le domaine du sport.
Est-ce que vous avez quelques exemples de besoins du mouvement sportif auxquels répondent les outils numériques ?
Quand j’échange avec les fédérations, je leur rappelle que l’intérêt est de travailler dans le service aux clubs, pas directement pour l’instance fédérale.
J’ai tendance à mettre les solutions numériques dans trois grandes catégories : celles qui permettent de gagner du temps sur la partie administrative, celles qui permettent de gagner de l’argent avec de nouveaux modèles et celles qui permettent de gagner puis fidéliser de nouveaux licenciés.
Certaines fédérations, que vous côtoyez ou non, prennent-elles le parti de développer en interne leurs propres outils ou est-ce que la plupart font appel à des acteurs extérieurs ?
En gros, il y a des fédérations, de moins en moins nombreuses, qui ne font rien sur le numérique. Il y en a qui font un travail de veille pour voir un minimum ce qui existe sur le marché. Pour aller plus loin, il y en a certaines qui vont commencer à labelliser des solutions numériques : « On a eu un contact avec eux, vous pouvez y aller ». C’est ce que j’appelle un premier niveau de tiers de confiance, pour rassurer l’opérateur final sur la protection des données, la compatibilité avec le système fédéral, le rapport qualité-prix.
Un tiers de confiance, ça va être assez important et je pense que la fédération peut l’être.
Donc il y a celles qui labellisent, y compris des solutions concurrentes entre elles, il y a celles qui disent « on va labelliser mais on ne va en choisir qu’une seule par catégorie ». Et en général quand elles sont là, elles commencent à entrer en partenariat pour vraiment intégrer l’outil au système d’information fédéral. Et l’idée, c’est que ça puisse alimenter la base de données des licenciés dans un sens et dans l’autre faire gagner du temps, de la fluidité et de la cohérence dans les données.
Ensuite, certaines continuent à aller plus loin en faisant de l’intégration presque en marque blanche* de solutions numériques dans leurs systèmes d’informations ou dans leurs extranets.
Et puis après, il y en a aussi qui sont en capacité de développer en interne. Il y en a qui le font et à mon avis, ce n’est peut-être pas l’idéal parce qu’il faut s’appuyer sur des compétences, une expérience et des réussites, avec des clubs qui ont déjà fait des choix.
Cela demande de ne vraiment pas se tromper pour arriver sur quelque chose de très performant, en y consacrant d’importants moyens. Mais la difficulté, c’est que quand on veut tout faire, il faut réussir à être excellent dans chacun des domaines.
Quand une fédération me demande quelle stratégie choisir pour déterminer les solutions numériques les plus pertinentes pour elle et ses clubs, je lui dis de commencer par faire une enquête : « Quelles sont celles qui sont utilisées par vos clubs ? Eux, ils ont déjà répondu partiellement à la question. »
Si une grande partie de ces clubs utilisent déjà une solution, peut-être que c’est la bonne à adopter pour la fédération.
*Le principe de la marque blanche consiste à mettre à disposition des produits ou des services sous le nom d’un distributeur (ici, une fédération) en occultant le nom du fournisseur qui a produit l’outil.
Avez-vous quelques exemples de fédérations inspirantes sur ces usages du numérique ?
Parmi celles que je connais bien, il y a celle de handball, qui a choisi un acteur par catégorie. Pour l’instant elle a choisi 4 partenariats en se disant « On veut que ce soit nos solutions numériques ».
Sur la partie terrain avec MyCoach, sur la partie animation de la communauté avec Be Sport, sur tout ce qui est paiement en ligne avec HelloAsso et sur la question du financement avec SPONSO+.
On peut ensuite regarder le tennis qui a développé en propre des solutions comme l’application smartphone Ten’Up, aux quelques fonctionnalités intéressantes. Pour les non-licenciés d’ailleurs, c’était plutôt une innovation avec la possibilité de prendre sa licence en dehors d’un club. C’était politiquement assez fort, peut-être même très polémique.
Il y a bien sûr aussi des solutions auto-produites qui n’ont pas apporté les résultats escomptés.
Évidemment, la surface financière de la FFT permet de développer en interne mais il n’est pas impossible qu’elle change de perspectives dans les prochaines années.
Enfin, c’est en train d’évoluer mais je pourrais également citer la fédération de basket avec son label Passion Club.
Voilà trois exemples qui me paraissent intéressants mais il ne faut pas croire non plus que c’est réservé aux plus grandes.
La Fédération Française de BasketBall
« Le numérique s’inscrit pleinement dans le plan Innovation de la fédération sur le mandat 2020-2024, notamment via un volet sur l’innovation de service pour les clubs. En collaborant avec HelloAsso, nous souhaitions permettre à nos associations sportives de proposer la dématérialisation du paiement des cotisations pour les licencié. »
Clarisse Aché – Directrice du Service des Systèmes d’Information
Fédération Française de BasketBall
Justement, les problématiques numériques des fédérations sont-elles les mêmes ou existe-t-il des disparités dans l’approche au regard du nombre de licenciés, de clubs, de salariés ?
Alors il y a des solutions numériques qui viennent apporter des réponses à la problématique de numérisation de toute la partie sportive, y compris compétitive. Et si vous êtes une fédération olympique très structurée ou une fédération non compétitive, le contenu pédagogique à digitaliser n’est pas le même.
Après, il y a des solutions qui sont transversales à toutes les fédérations, par exemple sur toute la partie gestion administrative et simplification du travail : on en a besoin.
Cet effort de repenser ses outils, ses formats, sa stratégie de communication avec le digital : j’aurais tendance à dire que c’est valable pour à peu près tout le monde. Mais l’idée, c’est d’aller un peu plus loin, en fonction évidemment de la taille des structures.
La Fédération Française de Tennis de Table
« Les enjeux du numérique à la FFTT sont nombreux : la modernisation de notre fédération, développer notre communauté de pongistes, valoriser l’image de notre fédération et vulgariser le numérique dans l’univers du sport (ambition mutualisée avec toutes les fédérations & le CNOSF). À travers cette transition numérique la FFTT souhaite également faciliter la tâche des bénévoles et générer de nouvelles ressources financières. »
Gilles Erb & Sandrine Ralaiarison – Président et Élue en charge de la Modernisation
Fédération Française de Tennis de Table
Un mot de la fin ?
Je pense que c’est une course contre la montre. Il ne faut pas que le mouvement sportif perde des opportunités sur des solutions qui sont intéressantes.
Ensuite, cette notion de tiers de confiance me paraît capital. La bascule maintenant, c’est de se dire « Quelles sont les plus les plus performantes en fonction de mes besoins, quel est le meilleur rapport qualité-prix ? Quelle est la plus durable ? »
J’estime que ça peut être le rôle des fédérations d’être ce tiers de confiance mais j’ai bien conscience que toutes les fédérations ne pourront pas le faire. Donc par défaut ça pourrait être aussi le rôle du Comité Olympique.
Mais je crois aussi qu’une autre voie est possible avec la constitution d’écosystème, de regroupement de solutions numériques.
Cela peut être très rassurant pour le monde sportif de collaborer avec des acteurs qui travaillent ensemble, qui se connaissent et sont interconnectés, fluidifiant l’expérience usager et la relation de confiance.
Découvrez le Collectif « Sport Asso » qui s’engage aux côtés des bénévoles, des associations et des fédérations sportives
Depuis sa création, HelloAsso a toujours été convaincu qu’un seul outil ne pouvait pas répondre à l’ensemble des besoins d’une association et que sa plus grande force était de construire avec ses partenaires un écosystème numérique, connecté, engagé et expert des associations.
C’est avec cette même conviction que HelloAsso, BasiCompta, Koteez, Maracuja et Sponso+ ont choisi de faire équipe en créant le Collectif « Sport Asso », afin de proposer aux bénévoles, aux clubs et aux fédérations sportives un panel de services pensés pour eux et dont les outils, connectés les uns aux autres, communiquent.
HelloAsso
« Nous sommes fiers de lancer aux côtés de nos partenaires BasiCompta, Koteez, Marcacuja et Sponso+, le Collectif « Sport Asso » qui est une réponse concrète aux besoins des bénévoles, des clubs, et des fédérations, afin d’agir ensemble en faveur du développement et de l’accompagnement du sport en France. »
Léa Thomassin – Co-fondatrice & Présidente
BasiCompta
« Les outils numériques sont une des solutions à la question de l’engagement bénévole, en simplifiant les démarches administratives et en les rendant moins chronophages.
Nous sommes convaincus qu’un logiciel seul n’est pas suffisant : l’accompagnement de ces bénévoles et ces salariés des associations reste au centre de nos services.
Cette vision, nous la partageons avec les acteurs du collectif. »
Nicolas Lucquiaud – Co-Fondateur
Koteez
« Tout comme les sociétés du secteur privé, les fédérations sont aujourd’hui de plus en plus questionnées par leurs clubs sur leur rôle, la qualité, la diversité et la pertinence des services qu’elles proposent. Dans un monde en perpétuelle évolution, la nature inclusive du numérique permet aux fédérations d’offrir et déployer des solutions professionnelles à tous types de structures sur tout le territoire en un temps record ! »
Jean-Pierre Boutherin – Co-Fondateur
Maracuja
« La vie de nos licenciés a grandement évolué depuis plusieurs années.
Avec l’avènement du numérique, les jeunes et moins jeunes sont sur-sollicités : les Fortnite, TikTok et autres plateformes digitales leur accaparent du temps de disponibilité et deviennent donc presque des nouveaux concurrents pour le secteur sportif traditionnel.
Pourtant, le numérique doit être vu comme une chance pour les fédérations afin de répondre aux nouveaux besoins de leurs cibles.
Dans une étude récente, il a été posé la question aux licenciés de leur motivation à rejoindre un club : leur motivation n°1 est la création de lien social. »
Vincent Rebière – Co-Fondateur
Sponso+
« Au delà de l’intérêt d’interconnecter nos plateformes et nos services respectifs pour faciliter leurs usages par les clubs et leurs adhérents, c’est bien parce que nous partageons les mêmes motivations entrepreneuriales et la même vision de notre rôle que l’idée d’unir nos forces au sein du collectif est née.
Est-il possible aujourd’hui pour les fédérations de relever ces nombreux défis sans s’appuyer sur la puissance du numérique et plus largement sans innover ?
Nous pensons que non et que le véritable enjeu pour elles est désormais de s’approprier réellement nos innovations et de les convertir en services simples et incontournables pour leurs usagers. »
Sébastien Jauréguy – Fondateur
Naturellement, le Collectif « Sport Asso » a vocation à grandir avec toutes celles et ceux qui, comme nous, sont convaincus que le sport amateur est l’une des plus grandes richesses de notre Société et que nous avons en tant qu’acteur du numérique associatif la responsabilité de créer un web toujours plus engagé, connecté, social et solidaire.