Comment communiquer sur la bonne utilisation des fonds confiés au secteur associatif
Au cœur de la relation finance-financeur, le respect du contrat doit être une préoccupation permanente du dirigeant associatif
Jean-Pierre Vercamer, associé Deloitte en charge des associations et des fondations, et Djamel Zahri, directeur Deloitte, présentaient le 21 octobre 2015, une étude sur ce sujet d’actualité à l’occasion du 10ème Forum National des Associations et Fondations qui se tenait au Palais des Congrès de Paris.
Pourquoi évoquer ce sujet ?
En 2015, Jean-Pierre Vercamer réalisait une étude présentant les bonnes pratiques pour initier dans le secteur associatif une démarche d’évaluation de la performance et des outils à mobiliser pour en rendre compte.
Constat toujours d’actualité, il notait que, dans un contexte marqué par la rareté des ressources et une situation économique peu porteuse de croissance, la concurrence entre associations oeuvrant pour les mêmes projets sociaux devenait plus accrue. Les effets récurrents de la crise financière et économique avaient raison de l’engagement des financeurs publics qui n’avaient pourtant jamais cessé de soutenir les associations jusqu’au début des années 2000.
Et les responsables associatifs étaient invités à mieux s’armer dans la définition de leurs projets, leur mise en œuvre et leur suivi.
Changement d’attitude et harmonisation européenne oblige, le financeur, qu’il soit public ou privé, devient donc plus exigeant à l’égard de la sphère associative : 100 euros en période de crise valent plus que 100 euros en période de croissance. Le soutien financier est plus difficile à capter quand il se fait plus rare…
A cette situation, s’ajoute le poids d’une exigence morale vis-à-vis de tous les acteurs concernés, financeurs, bénévoles, salariés, bénéficiaires, bref de la Société au sens large qui attend une gestion rigoureuse des fonds confiés au monde associatif porté des valeurs morales élevées.
Pourtant, et ce n’est pas le moins important dans ce contexte marqué par la crise et un fort scepticisme, de récentes enquêtes d’opinion montrent ainsi que les Français font plus confiance aux associations qu’à l’Etat pour remplir un certain nombre de missions d’intérêt général, notamment dans des secteurs stratégiques comme la lutte contre la pauvreté et l’exclusion ou la recherche médicale et la lutte contre les maladies.
C’est dire que l’attente reste forte de la part de nos concitoyens envers qui s’engagent au service des autres et qu’ils doivent chaque jour un peu plus s’assurer de la bonne gestion des fonds qui leur sont confiés.
Le poids grandissant du financement privé et une concentration de la manne publique
Les données disponibles (enquête CNRS 2011 de Viviane Tchernonog) nous permettent de mesurer le poids réel du soutien financier de la sphère publique (Etat, collectivités locales et autres structures publiques) : 42 milliards € ont été versés au secteur associatif en 2011 (près de 50 % de son budget). A rapprocher des 43 milliards € provenant des financements privés.
Secteur associatif dont il faut rappeler que le budget cumulé a progressé au rythme de 2,8 % entre 2005 et 2011 et qui emploie 1,8 millions de salariés dans notre pays.
Sur les 1,3 million d’associations recensées en France, 550 000 sont subventionnées. 58% de ces associations subventionnées reçoivent des aides publiques annuelles d’un montant inférieur à 200€. De l’autre côté du curseur, se situent 200 associations qui concentrent 60% des aides distribuées par l’Etat (Enquête Le Monde – 2013)
Des rapports qui dénoncent un certain nombre de dysfonctionnements
Les rapports récents de la Cour des Comptes, des chambres régionales ou des inspections générales cernent un certain nombre de comportements à bannir chez quelques associations contrôlées et qui restent fort heureusement rares dans le monde associatif :
- un cadre juridique, autour de la subvention, obsolète,
- une inefficacité des contrôles ne parvenant pas à décourager les comportements frauduleux (absence de contrôle de la bonne santé financière de la structure, dossiers très-trop précis, documentation volumineuse, fractionnement des bénéficiaires, peu d’outils d’évaluation, sanction limitée à la non reconduction de la subvention),
- le financement d’associations fictives,
- des actes de fraudes en vue de l’obtention d’une subvention, des fraudes dans l’affectation de la subvention,
- des contrôles internes peu efficaces au regard des constats de prises illégales d’intérêt, de détournement de fonds publics, de délit de favoritisme,
- des associations qui concurrencent des entreprises commerciales œuvrant dans le même secteur d’activité
Mais des réponses en termes de contrôles, ou de recherche d’efficacité
Les pouvoirs publics ont su ces dernières années mettre en place un cadre juridique efficace.
La LOLF (Loi Organique relative aux Lois de Finances du 01/08/01) prône une meilleure efficacité de la dépense et une plus grande responsabilité des gestionnaires
La Circulaire du 22 décembre 2002 permet au gouvernement de mieux définir les modalités d’un cadre de gestion permettant d’harmoniser les conditions d’instruction des demandes de subventions et d’unifier le suivi de leur gestion.
La toute récente Circulaire du Premier Ministre en date du 29 septembre 2015 sur les nouvelles relations entre les pouvoirs publics et les associations précise notamment le cadre juridique régissant les subventions versées par les pouvoirs publics aux associations.
Le respect du contrat passé avec le financeur
Au cœur de la relation financé/financeur, le respect du contrat doit être une préoccupation permanente du dirigeant associatif. Les outils ne manquent pas pour répondre à cette obligation morale et juridique qui conduit à de nouveaux besoins en termes d’organisation chez le financeur comme chez le financé.
Les outils pour répondre à cette obligation morale et juridique
Financeurs du secteur public
- Convention / Cahier des charges
- Textes réglementaires
- Compte rendu financier : qualitatif et quantitatif
Donateurs
- Documents d’appels aux dons
- Communication / Information
- Santé financière générale de l’association financée
- Utilisation des fonds / Projets spécifiques / Missions sociales de l’association
- CER / L’Essentiel
Mécènes / Usagers / Fundraisers…
- Convention
- Contrat
- Rapport financier
Légataires
- Respect de la volonté du légataire (par devant notaire)
Cotisants
- Respect des statuts / du Règlement intérieur / des décisions prises en Assemblée Générale
Des documents qui restent parfois perfectibles, comme le Compte Emploi Ressources (CER) dont une intervenante de la conférence du 21 octobre 2015, s’interrogeait sur la réelle « lisibilité » pour les donateurs.
Qu’est-ce qui caractérise une « bonne utilisation » des fonds confiés ?
Tout d’abord, il est nécessaire de mettre en place une organisation qui sécurise la pérennité de l’action associative, à savoir :
- des indicateurs de gestion sains. A titre d’exemple :
- des fonds associatifs représentant x mois d’exploitation d’avance
- un actif circulant couvrant largement les dettes exigibles à court terme ;
- un taux de missions sociales ≥ 70 % (le reliquat étant affecté aux frais de fonctionnement et de collecte) ;
- un contrôle de gestion et un contrôle interne, supports du management en place ;
- des procédures et des systèmes d’information soutenant l’activité de l’association.
D’autres méthodes peuvent compléter ce dispositif de bonne utilisation des fonds confiés :
- une utilisation des fonds permettant l’équilibre d’exploitation et assurant ainsi la poursuite dans le temps des missions sociales grâce aux bénévoles et aux effectifs salariés
- une utilisation des fonds en vue de procéder à des investissements (patrimoine immobilier, matériels divers, systèmes d’information, logiciels, formation, mobilisation de ressources complémentaires,…)
- une utilisation des fonds qui permettent le respect de l’objet associatif statutaire, du projet associatif déterminé collectivement, la réalisation des missions sociales (en les maximisant au regard des frais de fonctionnement et des frais de collecte de fonds.
Comment s’assurer de la bonne utilisation des fonds confiés ? Les passages obligés
Tout d’abord, la vigilance doit être partagée : il faut montrer au financeur que l’on ne fait pas n’importe quoi avec l’argent confié. Le financeur de son côté doit souligner que les fonds confiés sont utiles et vont dans le sens des objectifs attendus.
Il est souhaitable de s’engager dans une démarche d’évaluation ; elle visera à apprécier la conformité des résultats avec les objectifs et l’impact du programme d’actions au regard de l’intérêt général.
« Attention ! » – rappelle Jean-Pierre Vercamer – « évaluer ce n’est pas contrôler » car « le contrôle n’est axé que sur l’appréciation de la conformité des procédures aux réglementations (conformément aux textes de référence) et des dépenses au programme d’actions financé (compte rendu financier) »
Les auteurs de l’étude notent une pratique de l’évaluation de plus en plus répandue dans le secteur associatif ; mieux peut être fait encore dans certains secteurs dont les résultats sont parfois peu satisfaisants comme celui de l’information des financeurs, de l’aide à la décision ou de la réforme du Projet associatif. Une mesure de l’impact au regard de l’intérêt général reste assez peu pratiquée.
Les contrôles externes visent à garantir la régularité et la conformité de l’attribution et de l’utilisation des ressources par les associations. Ces contrôles peuvent provenir du :
- Public (collectivité publique attributaire, tribunaux administratifs, Conseil d’Etat, Cour des Comptes, Chambre Régionale des Comptes, divers organismes administratifs,…)
- Privé (contrôles des citoyens-donateurs-mécènes-financeurs, des médias, des commissaires aux comptes)
Le contrôle du financeur public | |
Rappel | L’association s’engage à fournir dans les 6 mois de la clôture de l’exercice :- Le compte rendu financier (conformément Arrêté 11/10/2006 pris en application de la Loi du 12/04/2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations)
o Emploi des fonds alloués pour l’exécution des obligations prévues dans la convention (conformité) o Evaluation de l’efficacité voire de l’efficience de la dépense publique – Les comptes annuels, le rapport du CAC, la référence de leur publication au JO – Le rapport d’activité |
Sanction | L’Administration peut exiger le reversement de tout ou partie des sommes déjà versées, diminuer ou suspendre le montant de la subvention |
Contrôle de l’administration | – Contrôle annuel et à l’issue de la convention que la contribution financière n’est pas supérieure au coût de la mise en œuvre du service- Contrôle sur place possible accès à toutes les pièces justificatives
– Contrôle des comptables supérieurs du Trésor, de l’Inspection Générale des Finances, de l’Inspection Générale de l’Administration – Contrôle de la Cour des Comptes, des chambres régionales des comptes |
Zones de contrôle | Justification au 1er € des dépenses effectuées, stratégie adoptée, objectifs et indicateurs de performance, analyse du coût des actions, écarts entre les prévisions budgétaires et son exécution effective, éléments d’information relatifs aux opérateurs du programme. |
Enfin, la transparence de l’information financière est nécessaire pour garantir la bonne utilisation des fonds confiés par les financeurs et communiquer sur la qualité du service rendu. L’objectif pour la structure associative sera de passer d’un statut de prestataire de services à une situation de partenariat dans la durée. Pour cela, il faudra privilégier l’exhaustivité de l’information financière (à ne pas confondre avec la quantité des documents produits), la lisibilité des informations communiquées, la régularité dans sa transmission, et l’accès permanent à cette information
Les risques engendrés
Déroger à ces règles de bonne et saine gestion peut procurer certains inconvénients qui peuvent s’avérer pour certains dévastateurs.
- remboursement de tout ou partie de la subvention mal consommée (dépenses non éligibles) ou non consommée dans les délais impartis
- suppression du versement d’une subvention
- stratégie adoptée non opportune
- objectifs non remplis et indicateurs de performance médiocres
- perte de notoriété et de confiance de la part des financeurs
- impact sur le résultat de l’association et imputation sur les fonds associatifs
- discontinuité d’exploitation et état de cessation des paiements
Bien gérer les fonds qui sont confiés va donc au-delà d’une bonne gestion comptable et financière de l’association, elle impose à l’économie sociale et solidaire d’insuffler une culture de l’évaluation et de la transparence au cœur de son fonctionnement.
Cet article est tiré de la Revue Associations du mois de Décembre 2015, réalisé et mis à disposition par notre partenaire In Extenso, acteur majeur de l’expertise comptable en France, qui accompagne près de 4 000 associations, dans les domaines de la comptabilité, la gestion sociale, l’audit, le juridique et le conseil. Pour en savoir plus, cliquez ici.